Une collection vivante
Comme chaque année, de nouvelles œuvres rejoignent les terres de la Commanderie de Peyrassol. Pièces monumentales, installations in situ ou coups de cœur, elles contribuent à renouveler sans cesse notre regard sur La Collection Philippe Austruy. En 2024, dix nouvelles œuvres complètent ainsi cette collection déjà riche d’une centaine d’œuvres d’art.
Marthe Wéry
(1930-2005, Belgique)
Sans titre, série « Montréal D16 », vers 1987
Eminente figure de l’art des années 1970, Marthe Wéry a progressivement abandonné la forme au profit d’une exploration matérielle et chromatique du tableau qu’elle traite dans une ambivalence entre peinture (accrochée au mur) et architecture (« une peinture qui s’étale dans l’espace », explique-t-elle). Ainsi, tonalités chromatiques, surface, support et disposition, entrent dans une danse qui donne à voir le monochrome dans ses variations les plus délicates.
© Olivier Monge /Myop
© Olivier Monge /Myop
Raymond Hains
(1926-2005, France)
Tôle, 1963
Dès le début des années 1950, Raymond Hains se saisit des affiches placardées dans les rues, décollées ou lacérées par les passants. En les prélevant telles quelles, ces tôles bariolées deviennent le sujet d’une œuvre qui fait de la rue – et de la vie moderne qui s’y déroule – le sujet d’une œuvre en prise directe avec le réel. En 1960, aux côtés de ses amis « affichistes » tels Jacques Villeglé, Raymond Hains signera le manifeste du Nouveau Réalisme.
Claude Viallat
(1936, France)
2001/223, 2001
Membre de l’important groupe français Supports/Surfaces, Claude Viallat a remis en question certains des éléments fondamentaux de la peinture, à savoir la toile et le châssis. L’artiste conçoit des œuvres qui, reprenant le même motif rectangulaire des éponges gorgées de couleurs qu’il utilisait à ses débuts selon des combinaisons chromatiques différentes, se déploient sur des bâches, draps, stores… En donnant une nouvelle matérialité au tableau, Claude Viallat figure au rang des artistes qui ont profondément renouvelé la conception de la peinture.
© Olivier Monge /Myop
© Olivier Monge /Myop
Daniel Spoerri
(1930, Roumanie)
Palette Robert Combas, table de travail de plus en plus chargée, 1990
Comptant parmi les membres fondateurs des Nouveaux Réalistes, Daniel Spoerri cherche à capter la réalité « telle qu’elle est » usant d’objets du quotidien et de déchets. Pensée en écho aux « Tableaux-pièges » dans lesquels l’artiste fige, telles quelles, diverses tables de repas, la série des « Palettes d’artistes », débutée en 1961, dresse un « portrait psychologique » des artistes représentés : ici, les objets accumulés sur la table de travail de Robert Combas, l’un des artistes phares de la Figuration libre, dévoilent une autre facette de l’artiste.
Robert Combas
(1957, France)
Exotique, 1986
Nourri d’images de la culture populaire, du cinéma à la musique – aux antipodes de l’art minimal et conceptuel ambiant –, Robert Combas est l’un des membres emblématiques de la Figuration libre. Gaies, bavardes, foisonnantes, ses toiles sont une « recherche du feeling », comme l’explique l’artiste. « Le Feeling c’est le rythme, c’est le batteur fou dans la jungle et les danses vaudou, c’est les Rolling Stones copiant les vieux morceaux des noirs, des bluesmen et sans le vouloir créant une musique nouvelle. »
© Olivier Monge /Myop
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Jean Dubuffet
(1901-1985, France)
Mur Végétal, 1959
En décembre 1959, Jean Dubuffet initie le cycle des « Matériologies », composée de 58 œuvres qui, sans référence à aucune figure, sont de véritables éloges du sol et de la terre. Organiques, informes, et presque vivantes, elles constituent un prolongement de sa réflexion sur les sujets mêmes de l’art. Entre représentation du réel et abstraction, Jean Dubuffet combine des éléments tels que le papier mâché, des éléments botaniques ou de la pâte vinylique afin de rendre la texture si foisonnante de la terre.
Olga de Amaral
(1932, Colombie)
Lienzo 32, 2013
Depuis les années 1960, Olga de Amaral explore les usages esthétiques et culturels du textile, entremêlant son héritage colombien et les principes modernistes qu’elle découvre lors de ses études aux Etats-Unis. Si le titre évoque la « toile de lin » habituellement utilisée dans la peinture, Lienzo 32 repose sur la superposition de deux techniques : le tissage à l’arrière- plan et cette « cascade » de de fils de lin peint rappellent que cette matière organique fut aussi bien le support emblématique de la peinture mais qu’elle peut également en incarner le dépassement.
© Olivier Monge /Myop
© Olivier Monge /Myop
Arnold Newman
(1918-2006, Etats-Unis)
Jean Dubuffet, Vence, France, 1956
Renommé pour son approche novatrice du portrait photographique dès les années 1940 — au point d’être qualifié de « père du portrait environnemental » —, Arnold Newman capture les illustres figures son temps, de Jean Arp à Frank Lloyd Wright en passant par Igor Stravinsky ou Leonard Bernstein. A l’instar de Jean Dubuffet, saisi de profil à Vence où il se réside entre 1955 et 1961, tous sont photographiés dans un environnement qui les caractérise, du bureau à l’atelier, et souvent, pour les artistes, entourés de leurs œuvres d’art ou d’une source inspiration.
Erwin Wurm
(1954, Autriche)
Adorno as Oliver Hardy in The Bohemian Girl (1936) and the Burden of Desperation, 2006
Non sans humour et surprise, le sculpteur Erwin Wurm détourne nombre d’objets, actions ou figures familières dans des mises en scène parfois déroutantes. Ici, le célèbre philosophe Theodor W. Adorno (1903-1969) prend des allures d’Oliver Hardy, personnage en surpoids du film La Bohémienne, sorti en 1936. Cette sculpture est un hymne à l’humour et à la légèreté dans l’art et un certain pied-de-nez à la conception éthique de l’humour portée par Theodor W. Adorno.
© Olivier Monge /Myop
© Olivier Monge /Myop
Robert Rauschenberg
(1925-2008, Etats-Unis)
Glut, ca. 1986-1995
Robert Rauschenberg figure parmi les artistes les plus influents du XXe siècle, lui que l’on considère souvent comme un « néo-dadaïste » et précurseur du pop art. Après avoir inclus des objets dans ses « Combine Paintings » des années 1950 – faisant entrer le tableau dans le champ de la sculpture –, il conçoit la série « Gluts » (1986-1995) : utilisant les reliquats de l’industrie automobile, l’artiste convoque la crise économique qui suivit la surabondance de pétrole sur le marché américain.
Berlinde de Bruyckere
(1964, Gand)
Arcangelo (Commanderie de Peyrassol), 2023
A travers l’exposition Ciy of Refuge I qui eut lieu à la Commanderie de Peyrassol en 2023, Berlinde De Bruyckere développait le thème de l’Arcangelo, figure archaïque, associée aux notions de soin, de protection, de violence et de résilience. Surplombant cette parcelle emblématique de Château Peyrassol, l’archange participe à l’histoire séculaire de ce lieu, alors refuge pour les pèlerins dès le XIIIe siècle.
© Edwige Lamy